ON NOUS AURAIT MENTI ?
La chaux, si on te fait croire que c'est écolo, c'est un gros mensonge.
Entendons-nous bien : si on s'en tient au bâti ancien, c'est souvent mieux que le ciment. La chaux possède des qualités techniques que le ciment n'a pas (il en a d'autres).
On utilise de préférence - et notamment dans nos régions pluvieuses - la chaux aérienne, dite « chaux grasse », pour les enduits. Souple, elle ne fissure pas. Micro-perméable, laisse circuler l’humidité qui s’installe dans les maçonneries au lieu de la bloquer. de plus, elle n'émet aucun polluant (amis allergiques bonjour).
Cependant, comme beaucoup de matériaux de construction, son empreinte carbone n'est pas anodine.
Nan, nan, nan.
En disant ça, mon point n'est pas de te culpabiliser.
Si tu n'es pas prêt pour te faire une maison avec de l'argile tiré du fond de ton jardin, OK, on comprend. Personnellement, je n'en suis pas là non plus. J'adorerais pouvoir vivre dans une grotte mais j'aime trop mon confort. Et la déco. Et avoir chaud.
Cependant, si tu tiens un peu à ce que toutes les ressources de la planète ne soient pas épuisées l'année prochaine, garde dans un coin de ta tête que la construction on est une des industries les plus polluantes. C'est pas joyeux comme info, mais tu pourras pas dire que tu savais pas.
LE MARCHAND DE SABLE EST PASSÉ (ET C'EST VIOLENT)
Un fun fact pour toi : après l’air et l’eau, le sable est la ressource la plus utilisée sur la planète. Et son premier acheteur c'est..?
Ben l'Arabie saoudite et autres pays du golfe persique pardi.
Tout ça parce que le sable du désert ne fonctionne pas pour la construction de gratte-ciels. Voilà.
Autre (pas vraiment) fun fact : une proportion épique de plages, notamment celles du littoral marocain, sont dévastés par l'exploitation illégale de sable pour la construction, notamment touristique. En attendant de trouver des solutions technologiques viables pour palier à cette extraction sauvage et ses conséquences néfastes jusque dans les nappes phréatiques, je me dois donc de démystifier le discours souvent trop léger d'une "construction écoresponsable".
Par définition, la construction ne l'est pas (puisque pour construire tu ponctionnes invariablement des ressources à la planète pour les empiler en toit au-dessus de ta tête). Le mieux que tu puisses faire est donc d'opter pour le moins pire. Et c'est déjà pas mal.
ADIEU LA CARRIÈRE DE BIZOU
Dans le Perche, la formidable carrière de Bizou, aux veines de couleurs splendides, de l’ocre jaune au rose, en passant par le blanc jusqu’au violacé, a fermé durant le confinement. C'est une vraie perte car ce sable - trésor local - faisait partie de l'identité patrimoniale de l'architecture percheronne.
Adieu les couleurs chatoyantes de cette carrière historique, qui faisait tourner pas mal de bétonnières.
En parallèle, il faut se rappeler que les anciens, s'ils utilisent le sable depuis des lustres dans la construction, ne puisaient pas de la même façon que nous dans les ressources environnementales. Par exemple, sable et chaux, et matériaux en général, était souvent collectés à proximité, souvent réutilisés, et les enduits abîmés étaient réparés, à la façon de patchs, et non pas entièrement refaits comme c'est le cas dans les rénovations actuelles. On privilégiait le bas des murs, plus facilement érodé et attaqué par l'humidité, mais pour le reste, on ne piquetait pas un enduit encore en état pour refaire un mur entier. Ces usages se voient encore sur beaucoup de murs percherons "dans leur jus".
PETIT HISTOIRE DE LA CHAUX
Jusqu'au milieu du 19° siècle, la chaux était fabriquée à côté des chantiers, en puisant dans les réserves de calcaire local. De fait, l'impact carbone en termes de transport était limité.
Bien sûr, la chaux n'était pas partout de qualité équivalente, mais peu importait : les artisans s'adaptaient. Ils ajoutaient des adjuvants multiples et variés pour obtenir la recette idéale.
"Jusque vers 1930, dans nos campagnes, les enduits étaient toujours exécutés avec un mortier fait de chaux vive (ou chaux grasse, ou encore chaux aérienne) et de sable de carrière, contenant un peu d'argile colorée, plus ou moins tamisé suivant les régions. La chaux vive provenait de la cuisson de pierres calcaires dans des fours à chaux et était livrée sous forme de morceaux ayant conservé la forme des pierres dont ils tiraient leur origine. La chaux vive a été abandonnée à cause de la difficulté de son emploi; avant de préparer le mortier, il était nécessaire de l'amortir, c'est-à-dire de "l'éteindre" avec de l'eau (de l'hydrater) ; ensuite, on mélangeait la pâte ainsi obtenue au sable, opération longue et relativement pénible, qui surtout excluait l'emploi d'une bétonnière, car ces machines ne peuvent pas mélanger une pâte (la chaux éteinte est humide) à consistance de fromage blanc, avec une poudre (le sable). Cette opération sur le chantier était longue (il fallait attendre entre 12 et 24 heures avant emploi, pour être sûr d'une extinction complète) ; le mélange lui-même avec le sable était long, pénible et fastidieux, coûteux en main-d'oeuvre. " Source : La Chaux : pour ceux qui veulent tout savoir ou presque ! (Source Maisons Paysannes de France), cité par www.patinesbio.com dans un article très intéressant sur le sujet.
Tu comprends bien qu'aujourd'hui, ce n'est plus la même chanson. On dynamite, on fourre tout dans des camions, on écrase avec des presses énormes, on utilise des quantités astronomiques d'eau, on envoie des millions de sacs à droite et à gauche. Plus énergivore tu meurs.
AU FINAL, ALORS ? ÇA DONNE QUOI ?
Ceci étant dit, il reste les vertus intrinsèques de la chaux : tant que tu ne rajoutes pas de produits biocides, d'adjuvants toxiques ou chimiques, tu as accès à un matériau sain.
De là à dire que la chaux est plus écolo que le ciment, ce n'est malheureusement pas tout à fait vrai.
La production du ciment est plus énergivore certes. Il faut chauffer la pierre calcaire qui sert de base à la fabricationde ces deux matériaux à 1400° au lieu de 900/1100° pour la chaux, mais bon, on chipote, ça ne change rien au procédé. Finalement, en termes de pollution, ciment ou chaux, ça reste peu ou prou la même limonade.
En France, le secteur de la production du ciment génère 23% des émissions de CO2 du secteur industriel. Au niveau mondial, on table sur 7%, soit trois fois plus que le transport aérien. Ce qui n'est pas négligeable, tu en conviendras.
Laisse-moi utiliser une image qui parle : si le béton utilisé sur la planète était un pays, il serait le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, juste derrière la Chine et les États-Unis.
D'un point de vue écologique, vu qu'on est presque 10 milliards et moi et moi et moi, et qu'on a tous envie d'un homesweethome, on compte énormément sur les avancées en termes de technologie pour améliorer tout ça.
En France, Hoffmann Green Cement, une entreprise vendéenne, développe des ciments à base de boues d'argile, déchets industriels, de laitier de haut fourneaux (des déchets de la sidérurgie) ou encore de cendres volantes issues de la biomasse. On croise les doigts et on serre les fesses pour que ce soit la solution de demain.
Pour résumer : la chaux, comme le ciment, c'est pas du tout écolo. C'est même pas bio. Légalement, c'est même pas un matériau naturel.
Pfffeuuh.
MAIS si tu fous pas du pétrochimique dedans, c'est sain.
Ouf. Ça c'est bien...
On ne déteste pas le ciment. Bah non.
La grosse hérésie en revanche, c'est de l'utiliser sur du bâti ancien, conçu pour vivre, respirer, et être restauré avec les mêmes matériaux que ceux utilisés lors de leur conception. : et parmi eux la chaux.
Vive la cohérence mon vieux.
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